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Rencontre
La FDSEA, une affaire de famille

Eliane Siteau, sa fille Bernadette et sa petite-fille Céline défendent avec verve les valeurs de la FDSEA. Rencontre.

De gauche à droite : Eliane Siteau, Bernadette, sa fille et Céline, sa petite-fille.
De gauche à droite : Eliane Siteau, Bernadette, sa fille et Céline, sa petite-fille.
© DR
Chez Eliane Siteau, à Gournay-Loizé, les murs et la nappe sont rouges. La couleur de la passion pour cette femme de conviction entourée de sa fille et de sa petite-fille au profil tout aussi empourpré. « Dans la vie, pour réussir, il faut être passionné et heureux », martèle Céline, la petite-fille d’Eliane, avec au sein, Rémy son petit dernier. Et Bernadette, la fille d’Eliane, de poursuivre : « On a du caractère ! ». Trois femmes qui vivent pleinement et qui ne croient pas qu’à moitié aux valeurs de la FDSEA. « Notre profession est difficile, souligne Bernadette, il y a de moins en moins d’agriculteurs. La FDSEA nous aide à mieux vivre notre métier, c’est un outil de notre métier. » Ancienne vice-présidente de la FDSEA, cette femme à la cinquantaine fringante salue la force du réseau syndical : « Avec la FDSEA, on sent qu’on n’est pas tout seul quand on a un pépin ». Et la militante est fière d’être une chaîne de ce maillon d’entraide. Le virus du militantisme « Mon premier mari ne concevait pas son métier sans engagement syndical », souligne Bernadette. Eclaboussée par les convictions de son mari, elle entre à la FDSEA en 1985 et prend sa mère par la main. « A la retraite, je me suis engagée, c’est la faute de ma fille », déclare tendrement Eliane qui jusqu’alors n’était que syndiquée. La retraite sonne l’heure de son engagement au sein du bureau des anciens exploitants, elle est la première femme. « Je me suis engagée après le décès de mon mari », ajoute-t-elle. Car ce dernier qui « était un peu macho » ou plutôt « bien de son époque » n’aurait pas vu l’engagement de sa femme d’un bon œil. Ce « personnage exclusif et entier », syndiqué et militant, dont elles parlent toutes trois avec beaucoup d’amour les a peut-être inspirées. La famille du premier mari de Bernadette a également donné la tendance. « Pour eux, souligne Céline, l’engagement syndical était une évidence. Mon grand-père paternel n’hésitait pas à laisser son travail de côté pour aller défendre la cause commune et ma grand-mère arrivait à tout gérer. » Vie privée, vie militante, vie professionnelle, ces femmes ont réussi à articuler ces trois temps sociaux avec talent. Et ce, grâce à cet « amour inconditionnel » qui les lie entre elles et à l’équilibre personnel trouvé au sein de leur foyer. Car les encouragements et le soutien familial génèrent bien souvent une force silencieuse qui parle d’elle-même au beau milieu des manifestations et permet de mieux vivre les déceptions, corollaire inévitable de l’engagement. Etre déçue par les décisions prises par le groupe, être obligée de rendre sa carte pour des raisons personnelles... Céline a connu ces moments-là. « Depuis 2007, je suis salariée à mi-temps sur le Gaec et comptable le reste du temps, précise Céline qui faisait partie de la commission lait de la FDSEA. Aussi, je ne suis plus syndiquée, au début j’étais peinée. Mais si je ne pouvais plus aller à la messe, je continuerai à croire en Dieu. Alors là, c’est pareil syndiquée ou pas, ça ne change en rien ma façon de parler de la FDSEA ! » Des femmes émancipées Eliane, Bernadette et Céline se disent émancipées et surtout pas féministes. « Les féministes, elles veulent exterminer les bonshommes, clame Céline. Mais, que ferait-on sans eux ? » Ce sont simplement des femmes de caractère qui ont su prendre leur place au sein de la société et de leur univers professionnel, des femmes audacieuses à qui « pas grand-chose ne fait peur » selon Bernadette : « A l’issue d’une manifestation, j’ai déjà atterri au poste de police et s’il fallait le refaire, je le referais ! » Et Céline de rétorquer : « S’il faut déverser du fumier devant la préfecture pour défendre notre métier et bien oui, faisons-le ! » Elles évoquent même la légitimité de détruire certaines choses pour se faire entendre, fustigeant par ailleurs la fauche du maïs transgénique et son chef de file. « Quand nous avions brûlé du mouton néozélandais, reprend Bernadette, ce n’était que des échantillons, ce n’était pas pour détruire la filière mais pour protéger notre production française. Le maïs transgénique, on ne connaît pas suffisamment ses atouts et ses inconvénients, on détruit sans savoir ! » Croire en un syndicat, en un parti, en un dieu… reviendrait-il à rejeter en bloc les idées venues d’ailleurs ? Céline, elle, croît fermement au respect des autres quelles que soient leurs idées. Bernadette quant à elle glisse dans un sourire intelligent que parfois, elle est sectaire mais « j’ai de l’humour ! » Et Eliane, avec le recul que lui permet ses 79 printemps, estime qu’il faut reconnaître les bonnes idées des autres.EN CHIFFRES : Les femmes représentent 15% de l’effectif syndiqué à la FDSEA des Deux-Sèvres. Le conseil d’administration compte deux femmes : Sylvie Macheteau, secrétaire générale et Guylène Barbot, présidente de la commission agricultrice. Sur les 220 syndicats locaux, on dénombre dix présidentes communales et une vice-présidente de section.Eliane, la grand-mère ; Bernadette, sa fille et Céline, sa petite-fille ont choisi à un moment de leur vie d’adhérer et de militer à la FDSEA. Une sorte de filiation des idées, aussi peut-on parler de véritable liberté de choix ? - Roger Le Guen, sociologue à l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers : Dans tous les domaines sociaux, les individus reçoivent un héritage culturel. Après, les individus choisissent par rapport à cet héritage et selon des degrés différents de liberté. Certains enfants de grands militants ont rompu avec cet héritage pour des raisons diverses telles que : « Mes parents n’étaient jamais à la maison, je ne veux pas faire la même chose », « Je vais militer mais différemment de mes parents », etc. Mais s’engager collectivement est un choix individuel car s’engager a un coût en termes de temps, de responsabilités… L’engagement peut également engendrer des souffrances d’où l’importance d’avoir un havre de paix, le plus fréquemment sa famille ou ses amis. On peut être influencé par ses aïeux mais ça ne suffit pas, pour s’engager sur le long terme, il faut être convaincu. Pour une femme, est-il plus compliqué de s’engager ? - Oui, surtout en agriculture qui reste un secteur majoritairement masculin. Et puis elles doivent concilier engagement, vie professionnelle et vie de famille. Depuis les années 50 et encore plus depuis les années 80, les couples égalitaires se développent. Les hommes modèrent leurs activités extérieures pour être plus présents à la maison, permettant ainsi à leurs femmes d’avoir plus de temps pour s’engager. Peut-on militer sans être passionné ? Et cette passion ne peut-elle pas déboucher sur un certain sectarisme ? - La passion est un ressort profond de l’engagement car les bénéfices que l’on en retire ne sont pas assurés. Et la contrepartie de la passion, c’est souvent la difficulté à s’objectiver. L’engagement syndical est source d’une certaine intolérance, on s’engage contre certaines options proposées par l’Etat par exemple. On milite au sein d’un groupe, pour défendre une cause collective… L’individu ne se perd-il pas ? - Il faut trouver le juste équilibre. En général, quand on milite, il existe une tension entre servir les autres et servir soi-même. La première devant être plus forte. Mais il ne faut pas s’oublier en tant qu’individu même s’il faut aussi savoir s’effacer au profit des idées du groupe qui ne sont pas toujours les siennes. - Le syndicalisme engendre-t-il la révolte ? - Le syndicalisme lutte contre l’injustice, il permet de rejeter une situation qu’on ne supporte pas. Oui c’est une sorte de révolte contre les pouvoirs politique et économique. Militer au sein d’un groupe est-ce aussi une façon d’exister de donner un sens à sa vie… Albert Camus écrivait : « Je me révolte donc je suis », quand pensez-vous ? Dans certaines situations, nous avons l’impression que notre vie est menacée (baisse de revenus, licenciement…), aussi l’action collective est une manière de retrouver sa dignité, de se reconstruire une identité et d’agir sur la société.
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