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Boissons exotiques de prestige

À Paris, le musée Cognac-Jay présente jusqu'au 27 septembre l'exposition « Thé, café ou chocolat ? L'essor des boissons exotiques au XVIIIe siècle » regroupant plus de 120 objets. Visite.

Les plantes et produits exotiques, en raison de leur rareté et de leur cherté sont tout d'abord introduits à la cour - férue d'orientalisme - durant la seconde moitié du XVIIe siècle. Ils sont alors considérés comme des produits de luxe. Rapportées par Cortez à Charles Quint en 1524, les fèves de cacao sont jusqu'au XVIIe siècle sous monopole de l'empire des Habsbourg. Leur culture et leurs secrets de fabrication se propagent cependant rapidement dans toute l'Europe. Les deux mariages royaux franco-hispaniques de l'époque permettent à cette nouvelle boisson qu'est le chocolat chaud d'être connue à la cour du roi de France. Quoique fort peu apprécié par Louis XIV, le cacao commence à être cultivé dans les Antilles françaises dans ces mêmes années et la première cargaison officiellement française de fèves est livrée à Brest en 1679. Les tout premiers consommateurs de café sont des voyageurs revenus avec des matières premières et les ustensiles de préparation dans leurs bagages dans les années 1640. Son usage se répand ensuite dans le milieu des marins. À partir de 1669, le café prend une place toute particulière suite à la réception parisienne donnée par Aga Mustapha Raca, émissaire de Mehmet IV, au cours de laquelle il fait servir du café dans des tasses de porcelaine japonaise. Le thé ne rencontre pas au début le même succès. Il n'entre véritablement dans les pratiques européennes qu'en suivant le développement de la route maritime des Indes sous l'impulsion des Anglais. Il faut attendre la seconde moitié du XVIIe pour constater son succès au sein des élites aristocratiques.
Les boissons issues du théier, du caféier et du cacaoyer ont dès leur arrivée en France des détracteurs et des partisans. Certains les considèrent comme de véritables « alicaments », d'autres les jugent néfastes pour le corps et l'esprit. De nombreux débats naissent sur l'intérêt de consommer ces nouvelles boissons. Si plusieurs positions de thèses médicales monographiques se consacrent à cet examen entre 1650 et 1670, il faut attendre la synthèse partisane du marchand Sylvestre Dufour en 1671, puis la publication du traité du Bon usage du thé, du café et du chocolat « pour la préservation et la guérison des maladies » du médecin Nicolas de Blégny en 1687, pour que les effets stimulants des trois boissons soient parfaitement identifiés et leurs vertus digestives et anticéphaliques reconnues.

Cabarets à café
Le thé y est perçu comme salutaire pour prévenir les maux de tête et de ventre. Le café est réputé efficace pour lutter contre le sommeil et les fièvres, favoriser la digestion, mais aussi la mémorisation et la prise de décision. Le cacao a engendré les prises de position les plus vives. Dès le début du XVIIe siècle, il fait l'objet d'un débat religieux sur l'intérêt de le consommer durant les périodes de jeûne. Réputé favoriser la prise de poids, le chocolat est déconseillé aux sédentaires urbains, mais sa consommation est fortement encouragée auprès des enfants, malades et vieillards. En outre, dans les années 1700, les cuisiniers, limonadiers et pâtissiers livrent leurs secrets de fabrication dans des recueils de cuisine. Ces trois boissons exotiques contribuent à modifier les habitudes de table. Elles apparaissent aux quatre repas de la société : le déjeuner, le dîner, le goûter et le souper. Mais trois moments sont privilégiés : au déjeuner, soit la collation prise au réveil ; au goûter, soit la pause à la mi-journée ; le soir, après le dîner. La consommation de ces boissons rencontre un tel succès que Paris compte au début du XVIIe siècle plus de 300 adresses de négoces tenus par la corporation des limonadiers.
L'engouement pour ces boissons exotiques contribue à la création de mobiliers et de « nécessaires » ou de « services ». Les moulins à café apparaissent dès les années 1660, mais il faut attendre le XVIIIe siècle pour voir émerger des tasses dédiées à chacune des trois boissons. Le café se sert sur des soucoupes de cristal, de porcelaine ou de faïence de Hollande, ainsi que sur des porte-chiques que l'on appelle « cabarets à café », des sortes de plateaux à bords relevés. Dès le début de ce siècle, l'ajout d'une anse par la manufacture de Meissen facilite la préhension du contenant chaud et l'invention de la tasse cylindrique « litron » a lieu en 1752 au sein de la manufacture de Versailles. Les contenants ne cessent ensuite de se diversifier selon les modes ambiantes et s'inspirent souvent du goût royal et de l'actualité.

Naissance des cafés
L'arrivée des boissons chaudes que sont le thé, le café et le chocolat, les boissons exotiques comme on les appelait au XVIIIe siècle, a permis la création de lieux de consommation publique, les cafés. La fréquentation de ces établissements, « manufactures de l'esprit, tant bonnes que mauvaises » selon Diderot et les rencontres entre proches dans les salons constituent autant d'occasions pour la consommation du chocolat et du thé, mais plus particulièrement du café, boisson stimulante très prisée des philosophes, des politiques révolutionnaires et du peuple. En raison de la multiplication des salons de café à Paris, ces boissons font l'objet d'un véritable combat de corporations. En effet, le monopole de leur distribution et de leur transformation est disputé par les limonadiers, les épiciers et, à la fin du siècle, par l'émergence d'une nouvelle catégorie professionnelle, les restaurateurs.

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