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Transmission
La délicate étape de la reprise des parts d’un Gaec

Pour le Gaec La Croix verte, l'espoir est venu de l'intérieur. En six ans, Damien est passé du statut de stagiaire à celui de candidat potentiel puis d’associé.

Eric Merceron, Damien Moutel et Fabrice Merceron du Gaec La Croix verte, lequel a relevé le défi de l’intégration d’un nouvel associé.
Eric Merceron, Damien Moutel et Fabrice Merceron du Gaec La Croix verte, lequel a relevé le défi de l’intégration d’un nouvel associé.
© C. P.
Le partage des capitaux et la gestion du temps d'astreinte ont fait la gloire des Gaec dans les zones d'élevage. En Deux-Sèvres, près de 900 exploitations détenant 41% de la surface agricole utile ont opté pour cette formule juridique aujourd'hui en proie aux tourments du renouvellement des associés. « Alors que des places se libèrent dans les sociétés, les jeunes candidats veulent s'installer en individuel », pose Eric Merceron. Le problème est sérieux. A Chiché, le Gaec La Croix verte a vécu quelques heures d'inquiétudes. Pourtant, ici, les exploitants avaient très tôt mesuré l'enjeu du renouvellement d'un de leurs membres. Dès 2006, à la retraite de Gabriel Merceron, associés créateur du Gaec, la recherche d'un candidat potentiel a été appréhendée. L'installation de Thérèse-Marie, épouse de Gabriel un temps salariée de la ferme, fixait à quatre ans l'échéance ultime. Eric et Fabrice, respectivement frère et fils de Gabriel, n'ont pas attendu pour fixer leurs objectifs. Un travail entrepris avec la chambre d'agriculture a permis à l'un et l'autre d'identifier motivations et souhaits pour l'avenir. « Nous ne souhaitions pas reprendre les parts de Gabi. Lorsque l'on a connu le confort d'une organisation à trois, particulièrement pour la gestion des temps d'astreinte, on ne veut pas revenir en arrière », juge Eric à l'origine de la société avec son frère.

La quête du candidat idéal
Savoir ce que l'on veut est une chose. Trouver le candidat idéal en est une autre. En quatre ans d'inscription au répertoire à l'installation, les repreneurs intéressés ont été trop rares pour cette structure pourtant attractive avec ses 65 vaches laitières pour 574 000 litres de lait, son cheptel ovin de 450 brebis et ses 206 ha. L'espoir finalement est venu de l'intérieur. Un an et demi après l’installation de Damien Moutel, Fabrice ne saurait trop conseiller aux agriculteurs de prendre des jeunes en formation sur leurs exploitations. « Ils arrivent à l’âge de 16 ans avec un projet. Les accompagner dans la formation, c'est leur offrir du temps pour cheminer. C'est aussi nous accorder à nous, associés en place, du temps pour changer notre regard sur celui que l'on a accueilli comme stagiaire. » A Chiché, de part et d'autre, la transformation de Damien, le jeune stagiaire, en Damien candidat potentiel à la reprise des parts de Gabriel, a été longue. « Je suis réellement arrivé sur l'exploitation la deuxième année de mon Bepa que j'ai obtenu en juin 2006. Mon projet, après une période de salariat, était de m'installer en individuel, en production ovine. » En juin 2008, âgé de 20 ans et  la capacité professionnelle en poche, la question du remplacement de Gabriel ne lui était pas étrangère. « Je n'étais pas prêt », convient le jeune Damien. « Nous ne l'étions pas », conviennent les aînés même si depuis quelques mois déjà, la possibilité germait, notamment dans la tête d'Eric, complice du jeune sur l'atelier laitier. « Nous ne fonctionnons pas de la même façon. Mais de plus en plus, je pensais que nos aptitudes étaient complémentaires. » Au cours des temps d'échanges, animés par la chambre d'agriculture, l'idée a été évoquée. Fabrice poursuit : « Ma mère pouvait encore faire une bonne année. Nous avons proposé à Damien de faire une année de certificat de spécialisation en machinisme. Une manière, sourit-il, de le garder sous la main. Il a décliné l'offre ». « Mon souhait était de travailler. Les études ça n'a jamais été mon truc », confie Damien. Au pied du mur, les projets mûrissent plus vite. « Nous avions quelqu'un que nous avions formé. Certes il était un peu jeune à nos yeux. Pour tester sa motivation nous l'avons embauché deux mois durant l'été 2008, dans les conditions de travail et de responsabilité d'un associé », retrace Eric. Essai concluant. « Il devenait notre chance. » 

Parler d’argent est toujours difficile
A ce moment-là, le conditionnel restait de rigueur. Dans un Gaec lorsque la perle rare, celle qui convient aux associés qui restent est trouvée, encore faut-il que celle-ci et le cédant s'entendent sur le montant de la reprise. Fabrice, optimiste, ne voyait pas comment un tel parcours pouvait ne pas aboutir. Eric, peut-être davantage engagé dans la relation affective avec Damien, s'est inquiété durant quelques mois. Naturellement, Gabriel et son épouse devaient pouvoir valoriser quarante ans d'engagement professionnel. Objectivement, Damien savait ce qu'il voulait. « Parler d'argent est toujours difficile », jugent l'oncle et son neveu. « D'autant plus lorsque l'on sent que de cette étape ultime dépend l'avenir de la société, son avenir professionnel », ose Eric. La chance de ce Gaec, sans nul doute, sera venue de la capacité de ses membres à faire intervenir des tierces personnes pour libérer les échanges, et faire mûrir les idées. En octobre 2010, après un an et demi de parrainage, Damien s’installait.


L’élevage de chèvres est devenu une école d’équitation

«La transmission de son exploitation nécessite un temps de réflexion », rappelait Jean-Pierre Charron, conseiller transmission à la chambre d’agriculture, lors de la réunion « Préparer la transmission de son exploitation » jeudi 24 novembre aux Ruralies. Un temps de réflexion qu’a pris Michel Guignard venu témoigner dans le cadre de la Quinzaine de la transmission : « J’ai commencé à y songer six ans avant de transmettre ».Michel s’installe en 1967 à Mauzé-sur-le-Mignon. A la tête d’un troupeau caprin, il habite la maison construite sur le siège de l’exploitation. Un premier agrandissement puis un second ; la ferme grandit. Il profite de l’opportunité de créer un Gaec en 1997. Les années passant, une question commence à trotter dans la tête de l’agriculteur : « Et à la retraite, qu’est-ce qu’on fait ? » Même si son associé est de six ans son cadet, ils décident tous deux de vendre. Les agriculteurs suivent les stages transmission proposés par la chambre d’agriculture afin de mieux réussir ce passage de relai. Puis ils sont successivement contactés pour la vente par quatre familles hollandaises. Mais rien n’a abouti. L’exploitation est toujours à vendre et c’est le bouche-à-oreille qui va faire son œuvre. « Un couple de Charente-Maritime nous contacte. Ils avaient un projet bien défini », explique Michel. L’exploitation et ses chèvres deviendront alors une école d’équitation. Aussi, le Gaec suspend son activité le 30 septembre 2005 et le 30 avril 2006, la maison d’habitation est vendue. « Nous avons fait construire une maison, j’ai donc été occupé par divers travaux de terrassement, de maçonnerie… Heureusement car la retraite, c’est bien, mais il faut trouver une occupation », souligne le retraité. Lequel a rappelé à l’assistance que pour bien transmettre, il faut anticiper : « Les formations dispensées par la chambre d’agriculture nous avait faits réfléchir sur pas mal de points. Chaque transmission est un cas particulier et on ne s’y prend jamais trop tôt pour la réflexion. Il faut également penser à s’occuper durant la retraite car c’est une rupture. Surtout lorsqu’on cède son exploitation à des personnes qui n’ont pas besoin d’un coup de main. C’est une coupure du monde agricole ».

Delphine Péronnet

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